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Greffe solidaire : une réponse supplémentaire à la pénurie de greffons

publié le 01.06.2017

Article d’origine : CHV //
CHV

Afin de faire face à une pénurie toujours aussi importante de greffons, la législation sur le don d’organe a changé en janvier 2017 [1]. Le système repose désormais sur le consentement présumé des personnes décédées selon des principes d’humanisme et de solidarité. Ainsi, toute personne décédée est un donneur potentiel (sous réserve de validation des critères médicaux), à moins d’avoir clairement fait connaître sa position de refus par écrit [2].

Par principe, les personnes vivant avec un virus ont été écartées, puis la législation a autorisé le prélèvement d’organes aux personnes vivant avec un virus de l’hépatite B [3] ou C [4]. Les principaux obstacles à une greffe solidaire entre Personnes Vivant avec le VIH (PVVIH) reposent, semble-t-il sur deux aspects :

  • L’un médical qui soulève la question de la compatibilité entre le greffon et le futur receveur et interrogeait l’état de santé du patient VIH+,

  • L’autre reposant sur un principe tacite, éthique ou moral qui empêchait même la réflexion sur le sujet puisque jusqu’en 2000, les recommandations européennes considéraient l’infection par le VIH comme « une contre-indication absolue à la transplantation ».

Or, une étude américaine menée entre 1997 et 2004 a mis à mal ces recommandations en prouvant que le taux de survie des greffons et des patients avec VIH est similaire à celui des greffons et des receveurs séronégatifs [5]. La pénurie de greffons étant une réalité et les obstacles d’ordre technique tendant à être levés, pourquoi ne pas envisager cette possibilité ?

Cet article a pour objectif de montrer qu’un élargissement de ces greffes dérogatoires aux Personnes Vivant avec le VIH (PVVIH) est une possibilité valable pour augmenter le nombre de greffons disponibles dans un contexte pour lequel chaque greffe compte.


Matériel et Méthodes

Ce projet de greffe solidaire est porté par le CHV et le TRT-5 depuis quelques années déjà. La sensibilisation à cette cause a été menée auprès des transplanteurs puis auprès des différentes autorités sanitaires et enfin auprès de la Direction Générale de la Santé. La littérature internationale sur le sujet a également été compulsée.

Parallèlement, un sondage en ligne sur les sites du CHV et du TRT5 a été proposé aux PVVIH et a permis de connaître leur position sur l’acceptabilité à donner et recevoir un organe VIH+.


Résultats

La conclusion de cette enquête, montre à l’échelle de la population ayant répondu, une très forte adhésion à ce projet de greffe solidaire. Il répond à une volonté, pour ces PVVIH de s’inscrire dans une démarche sociétale du don d’organe en mobilisant une stratégie sur le plan individuel (parler de son choix avec ces proches, prendre une carte de donneur, etc.) et de voir ainsi le pool de greffons disponibles augmenter.


Principaux résultats


L’échantillon est composé de 164 personnes ayant choisi de répondre à ce questionnaire diffusé sur les réseaux sociaux de nos collectifs respectifs. Parmi elles, nous notons que 85% sont prêtes à donner leurs organes et que 11,6 % ne le souhaitent pas.
A cette première question, on remarque une première tendance puisque seulement 3% des interrogés répondent ne pas savoir s’ils souhaitent ou non donner leurs organes. Lorsque nous questionnons l’acceptation de recevoir un organe d’une PVVIH, nous observons une augmentation de la part d’incertitude à 17% au détriment des réponses positives. Pour autant, près de 71% des répondants se déclarent prêts à accepter un organe VIH+. On constate en effet un écart de 14 points en faveur du prélèvement (85.5% contre 71.5%).

En comparant les deux déclarations précédentes, nous constatons des corrélations, la première concerne les personnes qui ont répondus « oui » aux deux questions soit 70.7% de notre échantillon, la seconde concerne les personnes ayant répondues « non » aux deux questions, soit 9.1% de notre échantillon qui ne souhaitent ni donner ni recevoir.

Un volet qualitatif serait intéressant pour analyser ces données sous l’aspect des représentations de santé, du vécu de la vie avec le VIH, des discriminations, etc. Ainsi, ce témoignage lu sur le site Seronet illustre bien cette volonté de don : « Impensable autrement. Cette réforme est carrément indispensable. Lorsque j’étais Hiv- j’étais pour…. L’une des 1 ères choses à laquelle j’ai pensé lorsque j’ai appris que j’étais Hiv+ a été « et en plus je ne pourrais plus faire le don de mes organes…. Alors pour moi c’est 1000 fois OUI. » (7 Février 2014, 16:36:18).

Aussi des hypothèses peuvent être avancées pour expliquer ce refus : le sentiment de subir une discrimination due à son statut virologique et de se voir attribuer un greffon jugé « moins performant » : « il y a cette idée qu’une greffe provenant d’une personne séropositive pourrait être plus néfaste que bénéfique. Votre donneur pourrait être investi par une souche plus virulente du virus » [6], et l’appréhension de devoir déclarer à ses proches son statut pour faire part de son choix de don d’organe. Il est également pertinent d’imaginer que certaines de ces PVVIH soient inquiètes de donner un organe « abîmé » par le virus et/ou les traitements et préfèrent s’opposer au don.

Aussi nous pouvons supposer des similitudes d’interprétations de ces refus avec les précédentes études menées sur la greffe hépatiques de PVVHB, PVVHC. Aujourd’hui les greffons VHB+ et VHC+ sont parfois rejetés par les patients, les personnes qui craignent un effet délétère de ces greffons.

Enfin comme dans la population générale, certaines personnes vivant avec le VIH peuvent être opposées à la greffe pour des raisons indépendantes de leur statut virologique. Une PVVIH présente aussi, toute chose égale par ailleurs, les mêmes aspirations, craintes et exigences qu’un individu lambda.

Une enquête menée en France en 2013 auprès d’un échantillon national représentatif en population générale par la Fondation Greffe de vie fait état d’un taux de refus du don d’organe pour eux-mêmes de 21% et de 37% pour leurs proches [7]. Avec une déclaration d’intention de don d’organe à plus de 81%, nous constatons ici que la population VIH se déclarent plus favorables que la population générale.

Il nous semble important de souligner que le greffon VIH+ est avant tout à considérer comme une possibilité supplémentaire de bénéficier d’une greffe. Selon l’aveu même d’une PVVIH, « certaines personnes se demandent pourquoi « gâcher » une greffe pour des gens comme nous. Si nous pouvions nous aider mutuellement, ce serait un grand progrès » [8]. Cette greffe dérogatoire est un outil de plus pour permettre une augmentation du nombre de greffe et par conséquent une baisse du nombre de décès de personne en attente de greffe.



Il n’est toujours pas simple à l’heure actuelle d’évoquer en famille son souhait de donner ses organes. La présence non assumée d’un virus peut compliquer le choix d’une personne d’annoncer son choix. Quel que soit le profil d’un donneur, le don d’organe est une décision certes individuelle mais qui se partage avec les proches pour garantir le respect de la volonté de la personne décédée. Lorsque nous interrogeons le souhait de parler de ces directives de dons à ces proches, nous constatons que 81% des PVVIH seraient prêts à en parler à leur famille.

Dans la population générale, ils sont 61% à avoir fait part de leur décision sur le don d’organe à leurs proches en 2013 [9]. Dans notre sondage, nous questionnons la perspective d’en parler et non la déclaration, cependant nous constatons que chez les PVVIH, le souhait d’en parler est supérieur de 20 points comparée à la population générale (en 2013). Cela atteste d’une réelle volonté voire de démarche individuelle de plaidoyer en faveur de la greffe.

Et cette volonté est aussi marquée voire plus lorsque nous interrogeons la déclaration en posant la question de la prise d’une carte de donneur d’organe10. En effet, les résultats à cette dernière question sont assez proches de celle sur la volonté de parler à sa famille du don pour anticiper un éventuel refus de la part de celle-ci, puisque 83% des PVVIH se déclarent prêtes à prendre une carte si le don devenait possible. Ce dernier chiffre témoigne de la démarche individuelle que sont prêtes à faire les personnes pour accompagner l’ouverture de la greffe aux PVVIH.


Conclusion

À la lecture des résultats, nous observons que la greffe est non seulement plébiscitée par les PVVIH d’un point de vue individuel mais également collectif afin de la rendre accessible et d’augmenter le pool de greffons disponibles. Néanmoins il subsiste, comme en population générale, des refus. Nous avons supposé qu’ils sont dus davantage à une position de principe et de crainte qu’à une réelle connaissance médicale de la problématique. En soulevant la validité de la démarche scientifique, nos associations militent aussi contre les discriminations vécues par les PVVIH et a fortiori après la mort.

Il est important de mettre en exergue l’injonction à communiquer qui ressort de ce sondage. Cette nécessaire communication des agences sanitaires mais aussi de nos associations permettra de lever le voile sur la faisabilité et ainsi d’anticiper les refus pour de mauvaises raisons. Il convient de promouvoir une communication à grande échelle pour le don d’organe en population générale et auprès des personnes VHC+, VHB+ et VIH+.

La greffe est une opération lourde et soumise à de nombreux risques de rejets. Une équipe de transplanteurs ne peut faire fi d’un certain nombre d’indicateurs néfastes à sa réussite. Un greffon est analysé d’un point de vue strictement médical au moins autant qu’un receveur potentiel. Le critère du VIH n’est qu’un critère de plus dans la longue liste des indicateurs à respecter. Un de plus certes. Mais aussi la possibilité pour un receveur en attente de bénéficier plus tôt d’une greffe. Par conséquent, nous estimons que pour augmenter l’accès à un organe des Personnes Vivant avec le VIH et pour respecter la volonté des donneurs, les agences sanitaires doivent étudier cette faisabilité et en produire les procédures conséquentes.

[1] loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation du système de santé
[2] Décret n° 2016-1118 du 11 août 2016 relatif aux modalités d’expression du refus de prélèvement d’organes après le décès
[3] Arrêté du 5 juillet 2013 modifiant l’arrêté du 23 décembre 2010 pris en application des articles R. 1211-14, R. 1211-15, R. 1211- 16, R. 1211-21 et R. 1211-22 du code de la santé publique et l’arrêté du 19 septembre 2011 relatif aux conditions d’utilisation d’organes ou de cellules provenant de donneurs porteurs de marqueurs du virus de l’hépatite B
[4] Arrêté du 23 décembre 2015 relatif aux conditions d’utilisation d’organes ou de cellules provenant de donneurs porteurs de marqueurs du virus de l’hépatite C
[5] Transplantation rénale : accès à la liste d’attente nationale HAS / Service Bonnes pratiques professionnelles / Octobre 2015, P 18.
[6] Ibid.
[7] Ces taux de refus est en baisse par rapport au même sondage effectué en 2011.
[8] http://www.courrierinternational.com/article/2011/05/06/seropositif-mais-donneur-d-organes
[9] http://www.greffedevie.fr/pdf/enquetedon2013.pdf
[10] À toutes fins utiles, nous rappelons que cette carte de donneur n’a aucune valeur légale.

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