La transplantation hépatique au Congrès de la Société Francophone de Transplantation, 2016
Article d’origine : CHV // 
Le CHV s’est rendu au Congrès Annuel de la Société Francophone de Transplantation à Liège 2016. Nous y avons appris que les greffes de tissu composite, c’est -à-dire, en langage profane, les greffes de face (nous parlons bien du visage) et des membres supérieurs (les bras, avant-bras et mains) sont probablement les plus impressionnantes. Elles demandent, à la différence des autres greffes, l’accord des donneurs ou de leur famille. Se rajoute à ce paramètre déjà important (mettez-vous à la place de la famille), l’absolue nécessité de faire correspondre le sexe du donneur, la carnation de la peau et la tranche d’âge. Ces greffes restent donc très particulières, et, « afin de permettre la prise en charge de ce type d’interventions et d’éviter que des patients n’aient à subir des pertes de chance, il a été proposé la création d’un cadre juridique et financier ad-hoc, adapté à ces greffes dites exceptionnelles » (PLFSS 2017 – (N° 4072), amendement n°936).
Nous avons également bénéficié de cours de rattrapage sur
la xénogreffe. La xénogreffe consiste à transplanter un
greffon d’un donneur d’une espèce biologique différente de
celle du receveur, par exemple un rein de cochon qui serait
donné à un homme. Elle s’oppose ainsi à l’allogreffe où le
greffon vient de la même espèce que le receveur. Pour

Bien qu’ayant été tentée pour la première fois en 1905, ce type de greffe n’en est pas encore à un point satisfaisant. Les greffes d’organes d’une autre espèce sur des sujets humains se traduit encore trop souvent par un rejet du greffon du fait de la présence d’un gène (alpha-gal) qui n’existe pas dans l’espèce humaine. À l’heure actuelle, la xénogreffe ne constitue pas, à court termes une solution à la pénurie de greffe. Mais les scientifiques travaillent et d’autres voies sont explorées.
Les résultats des transplantations des greffons hépatiques « hors-tour »
Lorsqu’un greffon est disponible, les services de régulation et d’appui de l’Agence de la biomédecine en décident l’attribution via leur application Cristal. Cet outil permet, entre autres, d’éditer des listes d’aide au choix des receveurs en fonction des règles de répartition,
des règles d’attribution et enfin en fonction de l’organe concerné. Lorsqu’un greffon est refusé par cinq équipes médicales dans l’ordre de cette liste d’aide au choix, il entre dans le circuit « hors-tour ». De ce fait, il est alors proposé à des receveurs « non-prioritaires » sur la liste d’attente.

Une étude, menée à l’hôpital Trousseau de Tours a comparé entre les années 2011 et 2015 le profil et le devenir des greffons et de leur receveur par rapport aux greffons alloués via le circuit « normal, soit 321 greffons contre 21.
L’étude montre que les greffons hors tours proviennent de donneurs plus âgés (62,9 ans versus 53,9 ans) et présentent un indice de risque plus élevé (1,86 vs 1,61). Les receveurs de ces greffons hors tours, avaient, quant à eux à 67% un Carcinome Hépatocellulaire (CHC) (contre 40,4% dans la population générale de receveur) et présentaient un score de MELD (1) inférieur (13,8 vs 21,8).
Comparativement, le taux de survie des patients est identique dans les deux groupes. La différence s’établit surtout sur la survie des greffons hors-tours, moins bonne que les greffons issus du circuit classique. Cependant, malgré des risques de retransplantation (18,2% vs 4,7%) et d’une surreprésentation de thrombose (caillots) précoce et tardive de l’artère hépatique (15,2% vs 3,1%) chez les receveurs de greffons hors tour, il ressort que ce circuit ne doit pas être négligé. Il permet en effet, dans le contexte actuel de pénurie de greffons, à des donneurs non prioritaires avec un carcinome hépatocellulaire notamment et présentant un score de MELD bas d’accéder à la greffe. En l’absence de ces allocations hors-tour, leur temps d’attente sur la liste des receveurs peut être extrêmement long et présente le risque de les voir écarter d’une possibilité de greffe en raison d’une détérioration de leur état de santé général.
Transplantations issues de donneurs décédés d’arrêt cardiaque (arrêt circulatoire) de la catégorie III de Maastricht (2). Résultats après un an d’expérience
RAPPEL (Protocole : Prélèvement d’organes Maastricht III – DGMS/DPGOT – Version n°6-Mai 2016) :
Lors d’une réunion à Maastricht en 1995 une classification des décès après arrêt circulatoire a été établie. Cette classification identifie clairement deux situations différentes : les donneurs dits non contrôlés (catégorie I, II et IV), qui comportent un degré d’incertitude sur la durée exacte d’ischémie chaude (3) et les donneurs dits contrôlés (catégorie III), où l’état hémodynamique (état de la circulation sanguine en mouvement dans le système cardio-vasculaire) du donneur et le T0 de l’arrêt circulatoire sont souvent plus courts et connus de l’équipe médicale. La classification internationale, dite classification de Maastricht, a été révisée en février 2013 et distingue quatre catégories de donneurs :
- Les personnes qui font un arrêt circulatoire en dehors de tout contexte de prise en charge médicalisée, déclarées décédées à la prise en charge (catégorie I de Maastricht) ;
 
- Les personnes qui font un arrêt circulatoire avec mise en œuvre d’un massage cardiaque et d’une ventilation mécanique efficaces, mais sans récupération d’une activité circulatoire (catégorie II de Maastricht) ;
 
- Les personnes pour lesquelles une décision de limitation ou d’arrêt programmé des thérapeutiques est prise en raison du pronostic des pathologies ayant amené la prise en charge en réanimation (catégorie III de Maastricht) ;
 
- Les personnes décédées en mort encéphalique qui font un arrêt circulatoire irréversible au cours de la prise en charge en réanimation (catégorie IV de Maastricht).
 
Depuis 2014, en France, les prélèvements de reins et de foie peuvent être effectués sur les personnes étant en arrêt cardiaque et respiratoire persistant et pour lesquels la décision de limitation ou de suspension des traitements thérapeutiques (LATA) a été prise par l’équipe médicale. Ces prélèvements sont strictement encadrés selon les normes édictées par l’Agence de la biomédecine.
L’étude sur ces transplantations a été menée à la Salpêtrière et a porté sur les prélèvements effectués depuis 2015.
Il ressort de cette étude que sur les sept transplantations rénales ayant été réalisées les résultats sont satisfaisants puisque tous les receveurs ont eu une reprise immédiate de fonction et seul l’un d’entre eux a bénéficié d’une séance de dialyse (La dialyse permet de filtrer le sang des personnes dont les reins ne fonctionnent plus correctement.)en raison d’un excès de potassium non régulé par les reins.
Cette procédure demande à être poursuivie et ses résultats confortés, mais selon cette étude, elle est plus simple à mettre en œuvre que les donneurs Maastricht II (personnes en arrêt circulatoire avec mise en œuvre d’un massage cardiaque et d’une ventilation mécanique efficaces, mais sans récupération d’une activité circulatoire). De plus, dans le contexte actuel de pénurie d’organe, ces transplantations rendues possibles renforcent le pool de donneurs potentiels.
Programme dans la zone Eurotransplant et pratiques françaises

Eurotransplant est une fondation responsable de l’attribution des organes en Autriche, Belgique, Croatie, Allemagne, Hongrie, au Luxembourg, aux Pays-Bas et en Slovénie.
Cette collaboration internationale comprend tous les hôpitaux de transplantation, les laboratoires de typographie tissulaire et les hôpitaux où les dons d’organes ont lieu. Elle gère l’allocation d’organes, le développement du don d’organe et enfin une seule liste d’attente.
La zone Eurotransplant collabore également avec d’autres pays européens comme la France via l’Agence de la BioMédecine (ABM). L’objectif est de trouver le meilleur receveur pour chaque organe
L’évaluation et le respect des règles d’attribution d’organe repose sur les critères définis par l’Organisation Mondiale de la Santé.
Transplantation hépatique
Afin de faire croitre le nombre de donneurs, Eurotransplant souhaite développer de plus en plus le prélèvement d’organe sur des donneurs en arrêt circulatoire (DDAC) après le prélèvement sur les personnes en état de mort cérébrale (arrêt encéphalique).
Néanmoins, ce programme d’Eurotransplant n’existe que dans quatre pays : Pays- Bas, Belgique, Luxembourg et Autriche.
Selon Jacqueline Smits (EuroTransplant), il est regrettable qu’à ce jour les DDAC soient marginaux dans certains de ces pays alors qu’ils sont une réelle possibilité d’augmenter le nombre d’organes disponibles. Ainsi en Belgique, pays moteur, les DDAC représentent un cinquième des dons d’organe.
En France, le prélèvement sur DDAC existe depuis 2006 pour les greffes rénales et a été étendu depuis janvier 2010 à la greffe hépatique. Fin décembre 2013, ce programme comptabilisait 785 donneurs, 468 greffes rénales et 13 greffes hépatiques impliquant 16 sites de prélèvement dont un centre hospitalier non universitaire (4).
Les transplantations hépatiques DDAC ont des critères d’attribution indépendants du score MELD, ce qui donne accès aux personnes présentant un CHC (avec un score de MELD bas) de pouvoir prétendre à une greffe.
Les donneurs en arrêt circulatoire ne remplacent pas les donneurs en arrêt encéphalique (9 cas sur 1000 selon un guide pédagogique de l’ABM) (il y a moins de donneurs) mais techniquement cette procédure est plus simple pour les équipes à réaliser et elle contribue à augmenter le pool de donneurs.
Incidences des cancers de novo après une transplantation hépatique en France
L’expression latine de novo signifie littéralement quelque chose qui s’apparente à « dès le début » ou « à nouveau ». Utilisé en référence au cancer, il fait référence à la première occurrence de cancer dans le corps. Ce n’est pas une récidive.
D’après l’étude multicentrique de O.Sérée (suivi de 11464 receveurs entre les années 1993-2012), les transplantations hépatiques sont un facteur de risque à la survenue d’un cancer (14,7% de receveurs ont développé un cancer de novo). Les receveurs développent en effet d’avantage que dans la population générale un cancer toutes choses égales par ailleurs. Ce cancer est principalement situé au niveau du larynx et de l’œsophage. Ce risque augmente si le receveur est une femme.
Légitimité des proches dans la décision de don d’organes : étude des représentations professionnelles en Ile de France
Afin de faire face à une pénurie toujours plus importante, la législation a changé : le système repose désormais sur le consentement présumé selon des principes d’humanisme et de solidarité. Ainsi, toute personne décédée devient un donneur potentiel (sous réserve de validation des critères médicaux), à moins d’avoir clairement fait connaître sa position de refus par le biais d’un témoignage écrit en précisant les circonstances ou en s’inscrivant sur le registre national des refus de dons d’organes.
L’étude de Raphaëlle DAVID montre qu’à l’heure actuelle (année 2016), le taux de refus de don d’organe est de 33% dont les 2/3 sont attribuables aux proches. Or, si les professionnels de santé et notamment les coordinateurs de prélèvement d’organes et de tissu inscrivent leur activité dans le respect et le prolongement de la loi, il apparaît, dans les faits, qu’il leur est difficile de faire fi de l’accord de la famille et notamment en face d’un refus très marqué de celle-ci. D’où l’importance, pour chacun, de communiquer sur sa volonté de donner ses organes et de connaître le positionnement de ses proches.
L’agir communicationnel est déterminant dans la décision des proches, bien plus que les considérations scientifiques. Les coordinateurs considèrent en effet qu’il est primordial de convaincre la famille, plus par une approche empathique que par des notions d’ordre médical.
Lucile Guénégou
(1) Le score MELD permet d’évaluer la gravité d’une maladie chronique du foie. Il résulte d’un calcul tenant compte du taux de bilirubine par décilitre de sang, du taux de coagulation sanguine et du taux de créatinine. Le score Meld maximal est de 40 et pose un pronostic particulièrement sévère.
(2) Personnes pour lesquelles une décision de limitation ou d’arrêt programmé des thérapeutiques est prise en raison du pronostic des pathologies ayant amené la prise en charge en réanimation.
(3) L’ischémie chaude correspond au délai pendant lequel l’organe est encore dans l’organisme, mais non ou mal perfusé. En transplantation d’organes, durée séparant l’interruption du flux circulatoire dans l’organe prélevé et le conditionnement de celui-ci par la perfusion du liquide de conservation.
(4) Protocole : Prélèvement d’organes Maastricht III – DGMS/DPGOT – Version n°6-Mai 2016