Comorbidités psy, usage de drogue et VHC
Article d’origine : CHV // 
Le virus de l’hépatite C endommage le foie mais pas que.
Il provoque une surmortalité des sujets infectés à travers la survenue de cirrhose, de cancer du foie ou de maladie cardio-vasculaire mais pas que.
Les personnes vivant avec le VHC présentent plus souvent la maladie de PARKINSON que la population générale (1) mais pas que.
Le virus entraine également des troubles neurologiques dont des déficiences sélectives dans les domaines neurocognitifs de l’attention, de la concentration et de la mémoire de travail (2) et des risques de démence accrus.
La survenue de ces derniers troubles s’explique par le fait que le virus de l’hépatite C franchit la barrière hémato-encéphalique censée protéger le cerveau des agents pathogènes, des toxines et des hormones circulant dans le sang. En franchissant cette barrière hémato- encéphalique, le virus réplique dans certaines cellules cérébrales. Cette réplication est responsable de l’apparition des troubles neuropsychiatriques et dysfonctionnements neurocognitifs chez près de 50% des patients atteints d’une infection chronique au VHC, et ce, indépendamment de la gravité de la maladie du foie ou du taux de réplication du VHC (3).
Les professionnels de santé doivent se montrer particulièrement attentifs aux sensations de fatigue, aux symptômes dépressifs, aux troubles du sommeil et aux dysfonctionnements d’ordre sexuel évoqués par le patient. Le lien existe entre ces symptômes et la présence du virus.
Il a été démontré que les personnes vivant avec le VHC avaient une activité accrue durant la nuit, une durée de nuit plus longue, des réveils nocturnes plus fréquents et une veille nocturne plus longue (4).
Or les conséquences d’un sommeil insuffisant recoupent, pour certaines celles dues à la présence du virus de l’hépatite C.
| Il existe des outils pour mesurer la qualité du sommeil, comme l’Index de Qualité du Sommeil de Pittsburg. De même qu’il en existe pour mesurer les dysfonctionnements sexuels, tels que le test IIEF (uniquement pour les hommes, car pour les femmes, même s’il existe un test, il n’est pas en ligne).  | 
Parmi ces dernières, les conséquences neuro-psychiques :
- Le « brouillard mental » : qui se traduit par une incapacité mentale à se concentrer et qui correspond à l’« endormissement » de certains neurones ;
 
- Les troubles psychiques tels que la dépression, les troubles anxieux, plus rarement de psychose ou de troubles bipolaires (constatés avant l’initiation du traitement) et les risques suicidaires. (Michel 2016)
 
- Les Troubles du sommeil ;
 
- Les Troubles de la sexualité…
 
La présence du virus de l’hépatite C au sein de l’organisme augmente la morbi/mortalité et altère « l’espérance » de vie. Ce constat se trouve accentué dans les populations à risques d’infection présentant en amont une précarité sociale, des troubles psychologiques, des addictions ou encore des parcours de vie ponctuées par des incarcérations.
Les usagers de drogue sont une population particulièrement représentée parmi les personnes infectées par le VHC. Ce sont aussi des personnes présentant plus souvent que la moyenne des troubles psychologiques.
Les addictologues, les personnes travaillant en CSAPA ou en CAARUD doivent s’emparer de ces questions.
La situation physiologique et psychologique sont des indicateurs. Les Dr Marika Rudler (Paris) et Jean-Philippe Lang (Strasbourg), proposent d’utiliser le test Montreal Cognitive Assessment (MoCA) pour dépister les personnes qui vivent une atteinte neurocognitive de légère à risque de démence, Il présente l’avantage de limiter le biais lié au niveau socioculturel du patient et mesure les troubles Visuospatiaux /Exécutif, de dénomination, de mémoire, de l’attention, du langage, d’abstraction, en rappel et/ou d’orientation.
Lorsque le professionnel de santé a en face de lui une personne cumulant les indices de précarités (sociales, sanitaires, psychologiques), les dépistages s’imposent. Le dépistage virologique certes mais également celui des fonctions physiologiques et neurocognitives afin d’accompagner au mieux le patient. Et quelle que soit la situation de ce dernier, il faut initier le traitement. Car, ce virus, pourrait être éradiqué, grâce aux nouveaux Antiviraux à Action Directe (AAD). Ils permettent de traiter et guérir la maladie, ignorant ainsi les conduites à risques de transmission, de valoriser et d’optimiser les compétences des usagers car l’observance des usagers de drogue peut être satisfaisante si l’accompagnement leur correspond et leur permet ainsi de construire un projet de vie en adéquation avec leur souhait en pouvant améliorer leur qualité de vie.
Afin de rendre le dépistage optimal, il convient de sensibiliser l’ensemble des professionnels de santé. Car, finalement, de nombreux spécialistes suivent des patients susceptibles de vivre avec le virus de l’hépatite C : addictologue, psychiatre, gériatre, autres maladies chroniques… Bref, faire sortir le virus de l’hépatite C du champ des hépatologues strictement…même si le rôle de l’hépatologue aujourd’hui reste indispensable dans la prescription.
Certains CAARUD proposent désormais l’utilisation du fibroscan au sein de leur mur, ce qui encourage les UD à prendre conscience de leur foie et de son état de santé tout en leur permettant d’en suivre l’évolution entre deux tests.
Cette dynamique inscrit le bénéficiaire au centre du parcours de soin et en fait un acteur à accompagner. Ces patients demandent une implication et un suivi différent de ceux du patient lambda (s’il existe). L’addiction est également un aspect à prendre en haute considération. Néanmoins les entretiens motivationnels, l’éducation thérapeutique, la présence d’un fibroscan mobile sont autant d’outil à la disposition des praticiens permettant de sensibiliser les UD et d’avancer dans l’éradication du virus.
Article écrit à partir des travaux des Dr Marika Rudler (Paris) / Dr Jean-Philippe Lang (Strasbourg).
Lucile Guénégou, septembre 2017
(1) Tsai HH, Liou HH, Muo CH et al. Hepatitis C virus infection as a risk factor for Parkinson disease: a nationwide cohort study. Neurology 2015 Dec 23 (Epub ahead of print)
(2) Wilkinson, J., Radkowski, M., Laskus, T. Hepatitis C virus neuroinvasion: identification of infected cells. J Virol. 2009;
Pattullo, V., McAndrews, M.P., Damyanovich, A. et al, Influence of hepatitis C virus on neurocognitive function in patients free from other risk factors: validation from therapeutic outcomes. Liver Int. 2011;
(3) S.Monaco, S.Mariotto, S.Ferrari, M.Calabrese, G.Zanusso, A.Gajofatto, D.Sansonno, and F.Dammacco, Hepatitis C virus-associated neurocognitive and neuropsychiatric disorders: Advances in 2015, World J Gastroenterol. 2015 Nov 14;
(4) Heeren M, Sojref.F, Schuppner R, Worthmann H, Pflugrad H, Tryc AB, Pasedag T, Weissenborn K., Active at night, sleepy all day–sleep disturbances in patients with hepatitis C virus infection., J Hepatol. 2014 Apr;60(4):732-40..