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La Caisse nationale d’Assurance maladie refuse la mise sous PrEP des personnes en insuffisance rénale

publié le 30.04.2025

Le traitement VOCABRIA est actuellement la seule option de prévention biomédicale contre le VIH possible pour les personnes souffrant d’insuffisance rénale. En refusant de la leur rendre accessible, contre l’avis des professionnels-les de santé et des autorités publiques indépendantes, la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) ignore le rôle de la PrEP dans les stratégies de lutte contre le VIH depuis près de dix ans et expose ces personnes au risque d’infection.

Un article cosigné TRT-5 CHV et Renaloo.

PrEP et insuffisance rénale : c’est possible et recommandé

Jusqu’à très récemment, les personnes souffrant d’insuffisance rénale étaient inéligibles à la prophylaxie pré-exposition (PrEP) par voie orale. En cause : le risque de toxicité rénale induit par l’emtricitabine / ténofovir disoproxil, alors seule option de prévention biomédicale disponible en France.

L’arrivée du cabotégravir a changé la donne. Cette molécule, administrée par injection tous les deux mois, a démontré son efficacité contre le VIH et son innocuité sur les reins au cours d’essais cliniques réalisés ces dernières années. A ce jour, le cabotégravir est commercialisé et pris en charge en France sous la forme d’un médicament appelé VOCABRIA, pour traiter les personnes qui vivent avec le VIH.

Son efficacité en PrEP a également été démontrée. Depuis août 2024, la Haute autorité de santé (HAS) la recommande en première intention lorsque la PrEP orale n’est pas envisageable, notamment en cas d’insuffisance rénale. Rien n’empêche donc dès aujourd’hui de proposer à titre préventif VOCABRIA aux personnes souffrant d’insuffisance rénale.

En France, il est possible de faire une demande de prise en charge par la sécurité sociale pour des médicaments en dehors de leur indication, avec l’autorisation préalable de la CNAM. Mais en ce qui concerne la prévention biomédicale des personnes souffrant d’insuffisance rénale, la CNAM s’y oppose fermement.

Un refus basé sur des motifs non médicaux

Questionnée par des professionnels-les sur la possibilité de faire prendre en charge à titre dérogatoire VOCABRIA en PrEP injectable pour des personnes souffrant d’insuffisance rénale, la CNAM a exprimé son refus à plusieurs reprises en 2024 et 2025.

Pour le justifier, la Direction générale explique vouloir attendre l’arrivée d’APRETUDE, traitement préventif à base de cabotégravir spécialement labellisé pour un usage en PrEP injectable. Il n’existe pourtant aucune différence entre VOCABRIA et APRETUDE : le dosage, le mode d’administration, et les molécules sont les mêmes. Seul le nom commercial change.

La raison du refus n’est pas médicale mais stratégique, dans un contexte où les extensions d’indication (ici le passage d’une indication pour personnes vivant avec le VIH à une indication en PrEP) sont sources de profits pour les laboratoires et où le prix d’APRETUDE fait l’objet de négociations qui durent depuis de longs mois.

Une réglementation opaque et inégalitaire

Mise face aux recommandations de la HAS par le TRT-5 CHV et Renaloo, la CNAM a prétendu que l’octroi d’une prise en charge dérogatoire du VOCABRIA en PrEP injectable allait à l’encontre d’une doctrine interne. Malgré nos demandes, cette dernière ne nous a jamais été communiquée. Une opacité qui n’est pas sans rappeler le refus obstiné de la CNAM de faire la lumière sur les lettres réseaux, dénoncé par plus de 32 associations en 2019.

Selon nos interlocuteurs-trices de la CNAM, la doctrine en question proscrirait toute prise en charge dérogatoire en l’absence « de risque vital » lorsqu’un traitement alternatif approprié est remboursé, ici le préservatif : une minimisation à outrance du risque d’acquisition du VIH doublée d’une méconnaissance des stratégies actuelles d’élimination du VIH. La PrEP compte en effet parmi les piliers de la prévention combinée basée sur des outils complémentaires et non substituables.

De plus, la méthodologie employée, aux dires de nos interlocuteurs-trices, pour mesurer l’atteinte de ces critères pose un grave problème méthodologique. En effet la CNAM utilise comme référence les avis de la Commission de la transparence de la HAS. Or le rôle de ces derniers est d’éclairer, dans une indication restreinte, les décideurs-euses politiques en amont de la commercialisation et non en aval.

Il est illogique et irresponsable d’utiliser ces avis, pour analyser des demandes de prise en charge dérogatoire, plutôt que de se référer aux recommandations de prise en charge de la HAS, document de référence régulièrement mis à jour par un groupement d’experts-es à la demande du ministère chargé de la santé, avec la participation des associations.

Ultime motif de circonspection vis-à-vis de la doctrine à laquelle la CNAM dit se référer : le TRT-5 CHV et Renaloo ont été informés que des prises en charge dérogatoires de VOCABRIA pour un usage en PrEP avaient été accordées au moment de leurs pourparlers avec la CNAM. Une incohérence qui semble mettre à jour un système inégalitaire d’une région à l’autre.

Une stratégie de temporisation au détriment de la santé des personnes

Le TRT-5 CHV et Renaloo ont fait état à plusieurs reprises à la Direction générale de la CNAM de leur indignation face aux motifs de refus exprimés. D’aucuns pourraient y voir le pari risqué que les personnes éligibles à prévention biomédicale adaptée n’acquerront pas le VIH d’ici à la commercialisation d’APRETUDE.

Mi-mars, la sénatrice Anne Souyris n’aurait pas pu mieux résumer notre incompréhension en posant au gouvernement la question suivante : « pourquoi la CNAM laisse, contre l’avis d’une prescriptrice et des experts de la HAS, une personne exposée au risque de contamination par le VIH sans outil de prévention adapté, alors même qu’elle est habilitée à autoriser la prise en charge hors autorisation de mise sur le marché (AMM) à titre exceptionnel ? »

Accessible en France depuis 2016, la PrEP est un outil de prévention biomédicale à l’efficacité maximale contre l’acquisition du VIH. Son déploiement compte parmi les priorités de la Stratégie nationale de santé sexuelle. Le recul ces dernières années de l’incidence du VIH en France et à l’international lui est en grande partie attribué. Il y a donc un bénéfice et un enjeu majeur, à la fois individuel et en termes de santé publique, de pouvoir accéder à la PrEP et maintenir dans le soin toutes les personnes les plus exposées au risque d’infection. 

Dans l’attente d’APRETUDE, il est par conséquent essentiel que les demandes de prise en charge dérogatoire du VOCABRIA soient accordées à l’ensemble des personnes souffrant d’insuffisance rénale modérée ou sévère lorsqu’elles y sont éligibles, dans le cadre d’une procédure simplifiée, transparente et publique.

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