L’alimentation en cas de cirrhose du foie
Article d’origine : CHV // 
Nous parlons ici de cirrhoses non décompensées, sans ascite (liquide dans la cavité abdominale), sans encéphalopathie (troubles neurologiques liés à la baisse des fonctions du foie). Les conseils nutritionnels deviennent souvent des restrictions diététique s (pas ou très peu de sel, moins de protéines) imposées par les complications et doivent être donnés par le spécialiste, au cas par cas.
Le foie intervient directement dans les processus nutritionnels (transformation, détoxification, stockage du glucose et des vitamines liposolubles (A, D, E, K)). Une alimentation équilibrée et adaptée peut aider le foie à mieux fonctionner et lui éviter un surcroît de travail. Le foie en cirrhose est « handicapé », rigidifié et son espace devient limité. Il ne peut plus stocker autant de réserves qu’un foie sain et lui infliger des repas trop lourds, trop gras, trop sucrés et de l’alcool risque de l’achever…
Le foie capture, rend inoffensif et élimine les toxiques contenus dans les aliments, l’alcool, les médicaments. Quand le foie n’est pas malade, il est capable de métaboliser et d’éliminer l’alcool ou les déchets des médicaments et de l’alimentation. Mais cette fonction diminue énormément lorsque le foie est en cirrhose et l’alcool est son pire ennemi.
La progression de la maladie est souvent une cause de malnutrition, qui contribue aux complications de la cirrhose, un vrai cercle vicieux qu’il faut combattre.
La base alimentaire santé, c’est le régime crétois ou diète méditerranéenne. Elle est valable pour les personnes e n bonne santé et qui veulent le rester et elle est valable dans le cas des pathologies chroniques comme le VIH, les hépatites, la cirrhose, l’excès de cholestérol, le diabète, mais il faut l’adapter aux particularités de chacun et de chaque maladie… La cirrhose est plus ou moins bien supportée selon son stade, selon les personnes, leur mode de vie, leur acceptation de la maladie, leur moral, le fait de faire de l’exercice physique ou pas. Certaines ont des nausées, des diarrhées, des baisses d’appétit, certaines digèrent très mal les graisses et d’autres non.
- Si vous n’avez pas de surpoids, pas de diabète, pas de stéatose (foie gras), pas ou peu de baisse d’appétit, en route pour la Crête, en augmentant juste un peu les apports en protéines. Les experts préconisent un apport en protéines de 1 à 1,5 g de protéines/kg/jour lors des cirrhoses (pour un poids de 60 kg, il faut de 60 g à 90 g de protéines par jour), pour ne pas perdre de muscles et éviter la malnutrition. Votre spécialiste (ou diététicien) doit dé terminer votre taux idéal, selon votre état de santé. Il faut donc manger des protéines à chaque repas, mais pas forcément de la viande, les légumes secs, le soja, le fromage blanc, les céréales complètes et les œufs apportent des protéines.
Il est souvent conseillé d’adopter un rythme de repas différent, soit de fréquents petits repas, 4 à 6 par jour, incluant une collation en soirée. Ceci peut favoriser l’utilisation des nutriments, diminue l’oxydation des graisses et des protéines et entretenir les réserves de glycogène (sucre) du foie. 
En cas de nausées ou vomissements :
- Pour les éviter ou les diminuer, il est conseillé de manger sans se forcer, au moment de la faim, quelle que soit l’heure. Les aliments secs, froids et un peu fades (blanc de volaille, crackers, fromage type gouda) sont plus faciles à avaler que les aliments frits, épicés et chauds qui peuvent rendre nauséeux. Il est vital de boire de l’eau (en infusions aussi, thé vert) et hors repas. Une réserve de boissons nutritives (compléments hyperprotéinés, avec ou sans sucre, Clinutren, Resource, Nutrigil, etc.) peut être faite et servira en cas de nausées ou de baisse d’appétit (délivrables avec une ordonnance et remboursées par la sécurité sociale en France). Gardées au réfrigérateur et consommées fraiches, elles donnent moins de nausées. Si ces boissons ne passent pas, essayez les crèmes desserts au soja, bien protéinées. Les aliments déclencheurs de nausées (le goût, l’odeur) seront identifiés et évités ou préparés différemment. Les œufs peuvent dégoûter tels quels, mais bien passer dans un riz au lait ou un cake. Le lait, pas très digeste pour les adultes, peut être remplacé par du lait d’amandes, de soja ou d’avoine. Certaines épices combattent efficacement les nausées : le gingembre, la menthe, le basilic (rajoutés sur les plats après cuisson, en infusion, gingembre au vinaigre ou confit).
 
En cas de manque d’appétit :
- La réduction de la prise alimentaire peut aboutir à la malnutrition, à des carences en vitamines (B surtout, E, A) et/ou protéines, d’où une faiblesse musculaire, une fatigue chronique et une détérioration de la qualité de vie.
Pour pallier la baisse d’appétit, une des solutions est de manger des portions plus petites et plus fréquentes (fractionner les apports en 6 petites collations plutôt que 3 gros repas, dont une collation le soir pour éviter un long jeune nocturne), de varier les goûts (amer, acide, salé, sucré) pour aiguiser l’appétit. Pour les collations entre les repas, boire des jus de fruits ou des boissons au soja, des smoothies, manger des fruits, des bananes, des amandes et utiliser si besoin des boissons nutritives. Évitez de boire pendant les repas et avalez les médicaments à la fin des repas, pour ne pas couper l’appétit. Faire un peu d’exercice avant les repas, une petite marche par exemple peut réveiller l’appétit. Les épices et aromates ouvrent l’appétit : le cumin (un peu de gouda au cumin avant la marche), la cannelle, la coriandre, le fenouil, le gingembre, le fenugrec, etc.). Il existe un médicament naturel pour ouvrir l’appétit, à base de fénugrec (à voir avec votre pharmacien). 
En cas de goût altéré :
- Si la viande a un goût amer, le poulet, le poisson, les lentilles, le tofu (soja) peuvent la remplacer, ainsi que le fromage, le yaourt, les œufs. La viande, le poulet, le poisson et les œufs peuvent être mangés froids (un cake aux œufs et au thon ou au tofu). Les boissons protéinées peuvent être une aide les jours « sans goût » ou de « mauvais goût ».
 
En cas de fatigue :
- La fatigue n’est pas toujours constante ; quand on est plus en forme, il est possible d faire les courses et de préparer à l’avance des plats sains et équilibrés (ex : viande blanche ou poisson + légumes + céréales), et d’en congeler une partie pour les jours « sans ». Si la fatigue est constante, le médecin doit vérifier le statut vitaminique (A, B, C, D, E) et protéique car les carences sont fréquentes. Pour les vitamines, faites pousser des graines germées, pleines de protéines et de vitamines. Si le moral est en berne, il est conseillé d’aller voir un psychologue, pour identifier une dépression ou ne pas la laisser s’installer, car c’est une cause supplémentaire de baisse d’appétit et donc ensuite de malnutrition. Faire un peu d’exercice en commençant doucement (marche, piscine, vélo) peut redynamiser et engendrer une « saine »fatigue.
 
En cas de surpoids et/ou de stéatose :
- Si vous êtes en surpoids et/ou avez de la stéatose (graisse dans le foie), l’hépatologue a dû vous dire de freiner sur les kebabs et de perdre du poids pour diminuer la stéatose, car elle accélère la vitesse de progression de la fibrose et multiplie par deux le risque de cancer du foie. La stéatose du foie est fréquente chez les personnes ayant une hépatite C. Chez certains, ayant un virus de génotype 3, la stéatose est due au virus lui-même. Mais pour les autres, la stéatose semble reliée au surpoids et surtout à l’adiposité viscérale (accumulation de tissu adipeux entourant les viscères à l’intérieur du ventre), souvent relié aussi au diabète de type 2 et/ou au syndrome métabolique (tension, glycémie et triglycérides élevés, bon cholestérol bas, tour de taille supérieur à 102 cm chez les hommes et à 88 cm chez les femmes, etc.).
Il est possible de cumuler les deux, stéatose virale + stéatose métabolique. La stéatose est due aux triglycérides en excès dans le sang, venant d’une alimentation trop riche en sucres, graisses et alcool (le whisky serait un bon pourvoyeur de stéatose, ainsi que les alcools forts). L’augmentation du risque de cancer du foie pourrait s’expliquer par le fait que ce tissu graisseux produit des facteurs de croissance jouant un rôle dans le développement des cellules tumorales. Ce risque est plus grand pour les hommes de plus de 40 ans, avec une prédisposition génétique (variant du gène PNPLA3).
La stéatose était un obstacle au succès du traitement du VHC (moins maintenant avec les nouveaux traitements). La stéatose peut être traitée, par divers médicaments (metformine, pentoxyfilline, Acide UrsoDésoxycholique (AUDC), vitamine E) selon son origine et son score, mais il vous sera toujours demandé de faire un régime et de l’exercice physique…
La perte de poids, liée à une alimentation saine (régime crétois) et à la pratique d’une activité physique (au moins 3 heures d’exercice par semaine) amène une amélioration de l’état du foie, une diminution de la stéatose et une baisse de la graisse viscérale. Une étude espagnole (1) vue à l’EASL 2015 montre les bienfaits d’un régime et du sport (sur un an, biopsie du foie avant et après) sur la stéatose et même sur la fibrose si la perte de poids est supérieure à 10% du poids.
Pour les aventuriers, les amateurs de retour aux sources, de petites études avec le régime paléolithique font état de très bons résultats sur la stéatose du foie (et sur des maladies chroniques non curables par la médecine). Ce régime était celui de nos ancêtres du Paléolithique, il y a 40 000 ans, des chasseurs-cueilleurs. Cette diète ancestrale exclut les céréales et leurs dérivés, les légumes secs, les laitages et fromages, les sucres et le sel, parce que ces aliments n’apparaissent qu’au Néolithique, au moment de la révolution agricole (culture, élevage). Et donc, ils mangeaient des viandes maigres, des poissons, des fruits de mer, des fruits, des baies, des graines, des noix, des racines, des œufs d’oiseaux et des végétaux sans amidon à volonté et c’est tout !
Une étude suédoise (2) a montré qu’en 5 semaines, ce régime paléolithique avait permis une perte de poids, une réduction de 49% des graisses du foie et une amélioration de nombreux paramètres (tension, cholestérol, résistance à l’insuline). Une étude américaine (3) portait sur 18 volontaires obèses avec une stéatose hépatique, qui ont suivi pendant deux semaines soit un régime hypocalorique, soit un régime paléolithique sans glucides. Le régime hypocalorique a permis de réduire de 42% le niveau des graisses du foie, et le régime paléolithique a entraîné une baisse de la graisse hépatique de 55%.
Bon, c’est vrai que ça paraît dur au pays de la baguette et du camembert… mais sur une durée de temps limitée, et en reprenant de meilleures habitudes alimentaires ensuite, c’est jouable. Nous consommons souvent trop de féculents, trop de sucre et de sel et pas assez de légumes, considérés comme une simple garniture des plats de viandes et souvent remplacés par des frites. 
Consultation de diététique
- Un(e) diététicien(ne), de l’hôpital ou en ville, peut établir un plan individualisé de repas qui répondra à vos besoins nutritionnels et déterminer si vous avez besoin de suppléments de vitamines. Un apport de vitamines et de minéraux peut être utile pour prévenir des carences associées à un faible apport, aux perturbations métaboliques dues à la maladie du foie ou aux effets des médicaments. Ces suppléments doivent être déterminés par une évaluation individuelle. Un excès de certaines vitamines peut être nocif pour le foie (la vitamine A en surdose).
Ces consultations sont encore plus utiles en cas de complications de la cirrhose, de diabète, de stéatose, ainsi qu’en cas de perte de poids, de diarrhées, de perte d’appétit, de rétention d’eau et de nécessité d’un régime à faible teneur en sel. 
Marianne L’Hénaff, juin 2015
Références Études stéatose
(1) Vilar-Gomez E, Calzadilla L et al. Weightlossintensityisstronglyassociated to improvement of histologicalparameters in patients withnonalcoholicsteatohepatitisafter 52 weeks of lifestyle modification. Abstract 0042, EASL 2015, Vienne.
(2) Ryberg M. A Palaeolithic-type diet causes strong tissue-specificeffects on ectopic fat deposition in obese postmenopausalwomen. J Intern Med. 2013 Feb 15.
(3) Browning JD, Baker JA et al. Short-termweightloss and hepatictriglyceridereduction: evidence of a metabolicadvantagewithdietary carbohydrate restriction. Am J Clin Nutr. 2011 Mar 2. PubMed PMID: 21367948.