L’hépatite C aigüe :
une infection très « hard » !
				Article d’origine : CHV // 
En novembre 2004, l’Institut de veille sanitaire (InVS) (1) diffuse une étude exploratoire sur une trentaine de cas de transmission sexuelle d’hépatite C chez des homosexuels déjà infectés par le VIH. Les docteurs Stéphanie Dominguez (hôpital Pitié-Salpêtrière) et Anne Gervais (hôpital Bichat) ont été les premières à alerter le milieu associatif au printemps pour qu’il fasse son travail de prévention dans la communauté homosexuelle.
L’étude de l’Institut de veille sanitaire (InVS) repose sur la signalisation de plusieurs cas par des services parisiens au printemps 2004 et sur une analyse rétrospective depuis le début 2001 dans six services parisiens (2). L’hépatite C n’est pas normalement une infection sexuellement transmissible (IST) – de 0,5 % à 2,5 % selon les publications.
Mais cette transmission sexuelle est facilitée en cas d’infection à VIH, ainsi que par la présence d’une IST concomitante (syphilis, herpès, gonococcie) et par des pratiques sexuelles non protégées (rapports anaux réceptifs et/ ou rapports traumatiques, fist fucking (3), autosondages urinaires). D’ailleurs dans l’étude de l’InVS, les 29 cas d’hépatite C notifiés en Île-de-France sont des homosexuels séropositifs au VIH qui tous avaient des pratiques sexuelles non protégées avec des partenaires multiples. 41 % d’entre eux présentaient une IST associée. Beaucoup déclaraient prendre des substances psychoactives (poppers, cocaïne, ecstasy, amphétamines, GHB, etc.).
La plupart étaient traités pour le VIH (86 % des patients) avec une bonne réponse immunovirologique. Parmi ces patients, les génotypes des virus de l’hépatite C varient (génotypes III et I mais surtout une majorité de génotype IV l’emporte (52 %), ce qui est inhabituel. En général on ne trouve que 15 % du génotype IV chez les porteurs d’hépatite C chronique recensés.
                                                                             
La primo-infection du VHC
                                                                             
Le dépistage de l’hépatite C aigüe est difficile car le plus souvent la primo-infection de l’hépatite C est asymptomatique, sans ictère (jaunisse), dans 80 à 90 % des cas. Les primo-infections passent le plus souvent inaperçues. Les cas avec symptômes visibles ou ressentis par le patient (10 à 20 % des cas – ictère, fatigue, perte d’appétit, nausées, syndrome pseudo-grippal, douleurs musculaires, etc.) ont plus de chances de guérir spontanément (plus de 50 % de chances). L’apparition d’un ictère semble être un facteur prédictif d’évolution spontanée vers la guérison. L’ictère ou une cytolyse hépatique importante seraient donc le reflet d’une élimination virale forte, conséquence d’une l’immunité cellulaire adaptée.
Le dépistage de l’hépatite C est facilité par le suivi médical du VIH.
Les primo-infections d’hépatite C asymptomatiques se repèrent par une élévation des transaminases (ALAT) (4) de cinq à dix fois la normale, environ quatre semaines après la contamination. Dans le cadre de l’infection à VIH, la surveillance régulière des fonctions hépatiques du fait de la toxicité hépatique des molécules anti-VIH employées comporte cet examen. C’est la modalité de dépistage la plus fréquente dans l’analyse de l’InVS.
Devant cette augmentation des ALAT, il est logique de faire un test sérologique (recherche d’anticorps anti-hépatite C par un test Elisa). La séroconversion (apparition des anticorps anti-VHC dans le sérum) survient en moyenne entre six et huit semaines après le pic des transaminases.
Les tests sérologiques ne permettent pas de distinguer les porteurs chroniques d’hépatite C, les patients guéris d’une hépatite aigüe (les anticorps persistent) et les patients présentant une hépatite aigüe C. Il existe des faux négatifs dans le dépistage des anticorps anti-VHC chez les coïnfectés VIH/VHC et il faut alors faire une PCR (polymerase chain reaction) dite qualitative.
Cette PCR, ou amplification génique, permet de rechercher l’ARN du virus de l’hépatite C dans le sérum et ainsi de trancher entre deux de ces cas. En effet, la PCR des patients guéris est négative.
En cas de PCR positive, un troisième test permet de prouver ou non l’hépatite aigüe C. Les laboratoires des hôpitaux ou privés gardent généralement des sérums ou plasmas congelés des bilans VIH précédents. Les médecins demandent alors une troisième recherche dans ces sérums congelés : si les anticorps anti-VHC sont présents dans le sérum congelé, c’est une hépatite chronique. Si la sérologie du « vieux sérum » est négative, elle signe une hépatite aigüe.
Qui, quand, comment faut-il traiter ?
Une fois le diagnostic affirmé, la question du traitement se pose. Il n’y a pas de consensus clair à ce sujet, surtout chez les co-infectés. Certaines études ont montré un taux spectaculaire de guérison (98 %) en traitant immédiatement les personnes, sans attendre une éventuelle guérison spontanée, en monothérapie d’interféron alpha 2b , par injection sous-cutanée, 5 MI par jour/ 1 mois, puis 3 fois/ semaine pendant 5 mois (5).
Mais ces hépatites étaient souvent symptomatiques et chez des séronégatifs au VIH. On peut supposer qu’une bonne partie de ces patients aurait éradiqué spontanément l’hépatite C. (20 % des contaminations guérissent spontanément et on compte plus de 50 % de guérison dans les primo-infections symptomatiques).
La conférence de consensus 2002 des hépatites préconise cette stratégie (pour la mono infection hépatite C).
Certains services parisiens ont adopté cette méthode, en « l’adaptant » à chaque cas, 1 mois d’interféron 5 MI/jour, (et la suite à la « carte » suivant la cinétique de la charge virale du virus), en traitant le plus rapidement possible les cas dépistés asymptomatiques, ainsi que les cas professionnels d’accident d’exposition au sang (infirmières, médecins, chirurgiens).
La plupart des hépatologues et infectiologues pensent qu’il faut attendre quelques mois après le dépistage et traiter avant la fin des six mois suivant la contamination si la PCR ne se négative pas. Ainsi, les chances de guérison spontanée des patients restent entières et ils peuvent s’informer et se préparer psychologiquement au traitement.
Selon un éminent hépatologue, il serait même possible de dépasser cette « dead line » des 6 mois pour traiter, (1 an ?), à un stade plus vraiment aigu mais pas encore chronique, où le virus n’est pas complètement « installé » et n’a pas déclenché le processus de fibrose par le foie…
La conférence de consensus pour les co-infections (1 et 2 mars 2005 – Paris) permettra peut-être d’avoir des recommandations plus claires car pour le moment, le traitement reçu (ou l’absence de traitement) dépend du service qui suit le patient, aucun n’appliquant la même stratégie…
A la Pitié-Salpêtrière, le service des maladies infectieuses et des maladies tropicales a été le premier à tirer la sonnette d’alarme. Ici, pas de traitement immédiat, mais une prise en charge au cas par cas (cf. entretien p. …) . Leurs résultats sont plus qu’encourageants car ils prouvent une meilleure efficacité du traitement anti-VHC au stade aigu qu’au stade chronique, avec une durée de traitement raccourcie de moitié (tous les co-infectés VIH et VHC au stade chronique doivent effectuer ce traitement pendant un an). On évite ainsi un suivi médical plus lourd, les biopsies hépatiques répétées et une évolution vers la fibrose et la cirrhose hépatique.
                                                                             
Traitement anti-VHC : un moyen ultime de prévention ?
                                                                             
La prévention faite par les associations dans le milieu homosexuel ne semble pas toucher les personnes pratiquant le bareback qui, par définition, refusent cette prévention, aussi bien pour elles que pour leurs partenaires. Le fait d’être contaminé par une hépatite C et que cette hépatite soit dépistée et traitée précocement peut changer cette attitude car le traitement de l’hépatite est lourd, invalidant, vecteur d’énormes effets indésirables sur tous les fronts, physique, psychique et moral. Quiconque a fait ce traitement de l’hépatite ou connaît une personne le faisant ne peut pas oublier les souffrances qu’il peut causer, le fait qu’il ne soit pas toujours curatif, que l’on doive souvent le recommencer et que l’on n’en connaisse pas les effets indésirables à long terme (cf. témoignage p. …).
À cet égard, on peut considérer que le fait de dépister et de traiter les patients contaminés par une hépatite aigüe est un acte de prévention, un peu ultime, même s’il n’est pas fait dans ce but, car il évite quelques contaminations futures et on peut supposer qu’il ne laisse pas indifférent ceux qui le reçoivent…
L’infection à VIH aggrave le pronostic de l’infection par le VHC.
Lors de la co-infection VIH et VHC, le processus de fibrose du foie est accéléré et le risque de cirrhose est multiplié de deux à cinq fois ; elle apparaît deux fois plus rapidement que dans la mono-infection à l’hépatite C. Le risque de mortalité par insuffisance hépatique ou par carcinome hépatocellulaire (cancer) est multiplié par cinq.
Marianne L’Hénaff, juin 2014
(1) Site Internet de l’InVS : www.invs.sante.fr
(2) Services parisiens concernés : Ambroise Paré, Bichat-Claude Bernard, Européen Georges Pompidou, Necker, Pitié-Salpêtrière, Saint-Louis.
(3) Fist : pénétration anale avec le poing.
(4) ALAT ou alanine amino transférase (enzyme hépatique).
(5) E. Jaeckel, M. Cornberg et col., « Treatment of acute hepatitis C with Interferon alpha-2b », N Engl J Med 2001 ; 345 : 1452-1457.