Témoignage d’un Delta-Man
Article d’origine : CHV // 
Témoignage d’un Delta-Man, fait en 2005. Il est mort depuis de son hépatite delta, en 2010.
La Delta, ma pire ennemie
Mes trois virus (VIH, VHB, VHD) ont été dépistés en même temps, en 1991.
À l’époque, médecins et patients ne s’occupaient et ne flippaient que du VIH, le grand méchant terroriste. Pendant huit ans, j’ai pris les médicaments successifs pour le VIH (AZT, Videx, Zérit et Videx…) jusqu’à l’arrivée des anti-protéases en 96.

En 99, j’étais sous Epivir (entre autres) quand mes hépatites se réveillent hardiment. Ictère et transaminases élevées m’envoient chez l’hépatologue qui me propose un traitement par interféron après une biopsie indiquant une cirrhose (A3-F4). Il me dit que l’interféron est mieux supporté dans l’hépatite B que dans la C. Je fais ce traitement (interféron 3 fois par semaine) et me tape beaucoup d’effets indésirables (fatigue, anémie, dyspnée, maux de tête, sècheresse de la peau, irritabilité…). Les charges virales et les transaminases chutent, mais mon moral aussi. J’arrête de moi-même au bout de 9 mois, lessivé. Je reprends tant bien que mal ma vie. Deux ans plus tard, en 2002, elles sont remontées et l’hépato « se débrouille » pour avoir de l’Adéfovir avant son agrément, qu’il me donne avec du Peg-interféron. Et rebelote, j’ai les mêmes effets indésirables qui me coupent du reste du monde, plus une décompensation de la cirrhose qui m’expédie à l’hôpital et de l’ascite qu’il faut ponctionner régulièrement. Une fois rétabli, j’obtiens un aménagement de mon poste, ce qui me permet de travailler surtout chez moi. En 2003, je fais une crise cardiaque et je bénéficie d’un triple pontage coronarien en urgence. J’avais du cholestérol et pourtant, je ne prends qu’une bithérapie de nucs (Viréad® + Epivir®), qui traite à la fois mon VIH et mon hépatite B et qui suffit à rendre le VIH indétectable. Comme quoi le méchant terroriste n’est pas celui qu’on croyait…
Pour vérifier que l’interféron agit sur la Delta, il faut faire des charges virales de la Delta avant, pendant et après le traitement. Jusqu’au début 2005 elle n’était pas remboursée par la sécurité sociale, l’hôpital se débrouillait avec ses budgets, ses enveloppes pour les faire. Un jour, trop crevé par l’interféron pour aller faire la prise de sang à l’hôpital à 7 h du matin, je l’ai fait dans le labo privé à côté de chez moi et là, j’ai payé cette charge virale 150 euros ! Maintenant, elle est remboursée (grâce à l’action insistante du CHV et du TRT-5) et c’est une libération pour moi de la faire à côté de chez moi.
Un Delta-Man qui garde l’espoir
Je viens de faire ma troisième cure d’interféron, avec des doses plus faibles (135 microgrammes). J’ai tenu un an. J’ai toujours de l’ascite, traitée par Lasilix®. Je vais décompresser enfin. J’espère en obtenir une petite rémission, une « suspension » de peine de cette satanée Delta…
Par contre, ma vie est en rémission totale sous interféron, je ne sors plus, je ne vais plus aux réunions de mon association (ACT-UP), je suis détaché du sexe car je n’ai plus de libido, je m’isole, je deviens « un croisé qui fait la guerre à la Delta » et je travaille.
D’après mes examens, j’ai une hypothyroïdie, la testostérone dans les chaussettes et on me surveille un petit nodule au foie par IRM et marqueurs biologiques.
Je suis sur une liste pour une transplantation depuis cinq ans, j’ai fait toute la batterie d’examens pour, mais je n’ai pas envie de la faire maintenant car elle me parait lourde et risquée. Je préfère attendre des nouvelles molécules et surtout, j’attends beaucoup des beaucoup des thérapies par cellules souches qui sont en développement aux États-Unis et en Corée. J’espère tenir jusqu’à leur arrivée, à coups de traitements et de ténacité.
Stéphane P, 2005