Des ATU pour le daclatasvir et le siméprévir pour traiter l’hépatite C sans interféron
Article d’origine : CHV // 
Le printemps 2014 voit se confirmer les espoirs concernant les possibilités de traitement sans interféron du virus de l’hépatite C (VHC). S’utilisant par injections hebdomadaires, souvent mal toléré, l’interféron est contre-indiqué pour un grand nombre de personnes. De nouvelles molécules permettent d’élaborer des combinaisons sans interféron, de durées plus courtes, plus efficaces et mieux tolérées. Le CHV est très impliqué dans leur accès précoce, dont les fameuses ATU (autorisations temporaires d’utilisation), notamment pour ceux et celles qui en ont un besoin urgent.
Après l’autorisation de mise sur le marché (AMM) du sofosbuvir en janvier, ce sont donc deux nouvelles molécules prometteuses qui vont être délivrées pour certaines personnes vers la fin mars, et qui vont pouvoir être combinées à celui-ci. Il s’agit du daclatasvir et du siméprévir.
L’AMM est attendue en mai/juin pour le siméprévir, en août/septembre pour le daclatasvir. Ces AMM devraient être larges : traitement de l’hépatite C, sans forcément imposer des traitements à associer et des schémas particuliers, dans un domaine où les connaissances évoluent très vite et où de nombreux essais sont menés et régulièrement publiés.
Avant cela, certaines personnes ne pouvant attendre le circuit de validation et de commercialisation classique auront déjà pu bénéficier d’ATU. C’est déjà le cas pour des ATU nominatives (pour une personne donnée), cela le sera désormais dans des ATU de cohortes (pour un groupe de personnes répondant à des critères déterminés).
Deux remarques :
Pour toutes ces ATU, la co-infection par le VIH n’est plus une contre-indication, ce qui répond enfin à une demande de longue date des personnes concernées et des associations ;
Les produits à base de millepertuis, une plante parfois utilisée dans les troubles de l’humeur, sont strictement contre-indiqués parce qu’ils interagissent avec les nouveaux médicaments.
Daclatasvir
Cette molécule, développée par le laboratoire BMS, est efficace sur tous les génotypes du VHC.
Les ATU nominatives de daclatasvir ont débuté en juillet 2013 chez les patients présentant une rechute post-transplantation (une centaine de demandes entre juillet et décembre 2013). Entre janvier et début mars 2014, 141 ATU nominatives ont été octroyées à des patients greffés ou ayant une cirrhose décompensée, ainsi que pour quelques patients présentant une cryoglobulinémie sévère (manifestation extra-hépatique grave) et environ 230 demandes pour des patients avec une cirrhose compensée ont été mises en attente de la mise en place de l’ATU de cohorte.
L’ATU de cohorte du daclatasvir doit s’ouvrir fin mars et permettre la combinaison daclatasvir + sofosbuvir. L’ajout de la ribavirine est possible sur décision du clinicien.
Personnes pouvant bénéficier de cette ATU cohorte de daclatasvir :
Personnes, co-infectées par le VIH ou pas, présentant un VHC de tous génotypes, et répondant à au moins un des critères suivants :
- Maladie avancée : fibrose F3 ou F4, sans alternative thérapeutique
 
- Manifestations extra-hépatiques sévères (vascularite, cryoglobulinémie)
 
- Personne en liste d’attente de greffe hépatique ou rénale
 
- Récurrence de l’hépatite C après une transplantation (non limitées aux récurrences agressives, toute récurrence)
 
Interactions du daclatasvir :
- Médicaments anti-VIH : sont autorisés les nucléosides (dont Truvada, Kivexa, Combivir), la rilpivirine (Edurant ou Eviplera), le raltégravir (Isentress, une anti-intégrase) et le maraviroc (Celsentri, un anti-CCR5). En revanche, des ajustements de dosage du daclatasvir sont nécessaires avec l’atazanavir boosté (Reyataz + Norvir) et l’efavirenz (Sustiva, Atripla) ;
 
- Immunosuppresseurs (utilisés à la suite de greffes pour éviter les rejets) : ciclosporine et tacrolimus autorisés ;
 
- Traitements de substitution aux opiacés : aucune information, la firme ayant, et c’est inadmissible, tardé à faire les études, qui ne sont pas encore terminées.
 
Schéma de traitement envisagé :
sofosbuvir + daclatasvir pendant 24 semaines. L’ajout de la ribavirine, d’après les essais, ne semble pas s’imposer mais restera possible sur décision du médecin clinicien.
Le daclatasvir se prend en 1 comprimé/jour (60 mg ou 30 mg), avec ou sans nourriture. Au total, l’association comprend 2 comprimés/jour avec le sofosbuvir (1 comprimé/jour), plus ceux de ribavirine le cas échéant.
Prix ATU exigé par le laboratoire BMS
408 euros (HT) le comprimé, soit 13 464 HT le flacon de 33 comprimés pelliculés (quel que soit le dosage, qui dépend des ARV associés). La durée de traitement recommandée est de 24 semaines. Cela donnerait en théorie un cout total de traitement par daclatasvir de 68 544 euros HT.
Cependant, le laboratoire Bristol-Myers Squibb nous a indiqué travailler « pour assurer dès à présent et sur toute la durée de l’ATU de cohorte un coût maximum pour l’assurance maladie de 35 000 euros par patient ». Nous attendons de voir…
Le protocole d’utilisation temporaire et la notice RCP (Résumé des Caractéristiques du Produit) ont été mis en ligne sur le site de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM). Initialement prévue le 17 mars, la mise à disposition du produit par le laboratoire est désormais attendue le 27 mars en raison d’une modification récente de la réglementation concernant une autorisation de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) (auparavant une simple déclaration à la CNIL suffisait), le traitement de ces données relatives à la santé des personnes étant particulièrement sensible.
Siméprévir
Développée par le laboratoire Janssen, la molécule est efficace sur les génotypes 1 et 4. Ouverte en décembre, l’ATU de cohorte était initialement restreinte au génotype 4 et seulement en complément d’interféron + ribavirine. Comme le demandait le TRT-5, elle devrait s’ouvrir, entre la mi-mars et fin mars, au génotype 1b et génotype 1a (sous condition de l’absence de mutations de résistance) et permettre la combinaison sofosbuvir + siméprévir, qui donne de très bons résultats.
Personnes pouvant bénéficier de cette ATU cohorte de siméprévir :
Personnes, co-infectées par le VIH ou pas, présentant un VHC de génotype 1b, de génotype 4, ou de génotype 1a si pas de résistances, et répondant à au moins un des critères suivants :
- Maladie avancée : fibrose F3 ou F4, sans alternative thérapeutique
 
- Manifestations extra-hépatiques sévères, sans alternative thérapeutique
 
- Cirrhose décompensée génotype1b et 4 (limitée au Child B) –Pour le Child C, plutôt le daclatasvir car en Child C, la concentration en siméprévir augmente trop.
 
- Pas de post greffe (plutôt SOF+DAC, déjà essayé dans ce contexte)
 
- Pour le génotype 1a, l’utilisation du siméprévir est conditionnée à l’absence documentée du polymorphisme Q80K avant la mise sous traitement, à cause des moins bons résultats sur le géno 1a en cas de mutation de résistance (Q80K). Si pas de résistance : siméprévir possible. Si résistance : on favorisera la combinaison sofosbuvir + daclatasvir. Le test de résistance n’est pas disponible dans tous les centres hospitaliers.
 
Schéma de traitement envisagé :
sofosbuvir + siméprévir pendant 12 ou 24 semaines selon le génotype et les traitements antérieurs. L’ajout de la ribavirine est possible sur décision du clinicien.
Le siméprévir se prend en 1 comprimé/jour (150 mg) avec de la nourriture. Au total, l’association comprend 2 comprimés/jour avec le sofosbuvir (1 comprimé/jour), plus ceux de ribavirine le cas échéant.
Interactions
- Médicaments anti-VIH : seuls sont autorisés les nucléosides (dont Truvada, Kivexa, Combivir), la rilpivirine (Edurant ou Eviplera), le raltégravir (Isentress, une anti-intégrase) et le maraviroc (Celsentri, un anti-CCR5).
 
- Immunosuppresseurs : autorisés avec des précautions pour la ciclosporine.
 
- Traitements de substitution aux opiacées : naloxone, buprénorphine (Subutex) et méthadone sont autorisés.
 
Prix ATU exigé par le laboratoire Janssen
417 euros (HT) le comprimé, soit 11 666 euros / 4 semaines (soit 35 000 euros pour 12 semaines).
Recueil d’informations
Si le but premier de l’ATU est de sauver des vies, un recueil d’informations est mis en place par l’agence du médicament, l’ANSM. Ce recueil est très utile, il permet d’évaluer le degré d’efficacité et l’importance des effets indésirables chez les personnes difficiles à traiter, dans la vraie vie, et pas seulement dans des populations spécialement sélectionnées pour optimiser les résultats des essais cliniques. De plus, l’Agence Nationale de Recherche sur le Sida et les hépatites virales, l’ANRS, a travaillé avec l’ANSM pour mettre en place un recueil d’informations supplémentaires (et facultatif) à travers deux cohortes : HEPATHER pour les personnes mono-infectées VHC, et HEPAVIH pour les personnes co-infectées VIH-VHC.
Avis des experts de l’AFEF sur le traitement de l’hépatite C par les ATU
Les experts français de l’AFEF (Association pour l’Étude du Foie) viennent d’émettre des avis d’experts quant aux choix des traitements de l’hépatite C. Tenant compte exclusivement des études cliniques (publiées sous forme d’articles ou de résumés dans des congrès avec comité de lecture), ils seront actualisés régulièrement en fonction de l’état des connaissances (donc, après l’EASL d’avril).
Pour l’avenir : lédipasvir + sofosbuvir
Il s’agit d’une 3e molécule possible pour une combinaison avec le sofosbuvir. Développée par Gilead, elle fait l’objet d’un comprimé combiné avec le sofosbuvir, en 1 prise par jour, avec ou sans nourriture. La demande d’AMM est attendue dans les jours qui viennent, l’AMM pour la fin 2014. Le lédipasvir est efficace sur le génotype 1. L’ampleur des ATU est encore en discussion (mais la pression sera certainement moindre car on aura déjà à cette date des alternatives avec le daclatasvir et le siméprévir). Gilead développe d’autres molécules, dont certaines sont plus prometteuses encore que le lédipasvir (dont une qui agit sur tous les génotypes), et étudie des combinaisons de 3 médicaments qui pourraient permettre des durées de traitement de 6 semaines seulement !
Encore d’autres médicaments et combinaisons, à venir ensuite…
- BMS développe une forme fixe tout orale avec daclatasvir + asunaprévir + BMS-325. La date de demande d’AMM est encore inconnue.
 
- AbbVie développe une combinaison avec deux de ses molécules, en 1 prise/jour (ABT- 450/ritonavir + ABT-267), qui se prendra avec une 3èmemolécule (ABT-333) en 2 prises/jour. Cette combinaison devra sans doute s’utiliser avec de la ribavirine. La demande d’AMM pourrait être déposée en mai 2014, l’autorisation de mise sur le marché serait alors attendue pour le début 2015.
 
- Le faldaprévir (Boehringer Ingelheim) dont la demande d’AMM a été déposée en novembre semble moins intéressant car il doit s’utiliser avec interféron + ribavirine et il cause des problèmes de tolérance (notamment cutanée). Le développement du deleobuvir, une autre molécule du laboratoire a été stoppé, au regard des performances de la concurrence.
 
Pour le Sofosbuvir (Sovaldi®)
Sovaldi a eu l’AMM le 17 janvier 2014, mais son accès est restreint tant que son prix final n’a pas été négocié. Il est cependant disponible pour certaines personnes, et l’avis de la HAS précise pour quels patients cela est possible.
La décision HAS du 18 fevrier sur le SOF
Concernant la prise en charge du sofosbuvir (Sovaldi), une décision de la HAS a été rendue publique. Cet avis de la HAS ne fait que pointer l’existence d’alternative remboursées dans la même indication et que le sujet des contre-indications ou échec individuels ne relèvent pas de son avis. Il peut donc paraitre insignifiant, mais ce qui est intéressant, c’est sa lecture « entre les lignes ».
En effet, selon l’article 48 (ex-39), il peut y avoir remboursement si « L’indication n’a pas fait l’objet de l’autorisation temporaire d’utilisation, est mentionnée dans l’autorisation de mise sur le marché et soit il n’existe pas d’alternative thérapeutique prise en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale identifiée par la Haute Autorité de santé, soit le patient est en échec de traitement ou présente une contre-indication aux alternatives thérapeutiques prises en charge identifiées » .
Donc, cet avis de la HAS indique que « toute personne en échec de ces traitements existants » peut avoir accès au remboursement.
Tous les patients qui ont tenté la bithérapie (interféron + ribavirine) ou la trithérapie (interféron + ribavirine + Victrelis ou Incivo) mais n’ont pas guéri peuvent désormais avoir un remboursement de Sovaldi de plein droit.
Pour les personnes naïves de traitement, c’est moins simple : le médecin devra mentionner et prouver une contre-indication aux traitements actuels. La grande question va être celle du contrôle de ces contre-indications par l’Assurance maladie : ce qui est prévu à notre connaissance à ce jour, c’est que le contrôle par l’Assurance maladie de ces contre-indications se fera a posteriori, sur la double base des contre-indications connues et du dossier médical de la personne. La question du contrôle est particulièrement sensible en raison du prix de la molécule. Pour rappel, le prix temporaire de 12 semaines de traitement de SOF, c’est 56000 euros. Il n’est délivré qu’en pharmacies hospitalières actuellement. Le prix final de la molécule reste inconnu à ce jour. L’introduction de ce mécanisme s’était fait sous notre pression interassociative, et celle des médecins…. Si on en fait le bilan, c’est quand même mieux que ce qui était prévu :
L’avis a été rendu dans les délais : 1 mois après l’AMM
Il élargit les possibilités de remboursement à de nouvelles personnes comme on l’espérait, et l’appréciation de la contre-indication reste globalement à l’appréciation du médecin, ce qui était notre objectif : permettre aux médecins d’élaborer le schéma thérapeutique qu’il estime le plus adapté à son patient. Cela va faciliter aussi bientôt l’élaboration de schémas sans interféron combinant le sofosbuvir avec d’autres molécules, en ATU (siméprévir, daclatasvir, et plus tard : faldaprévir, ledipasvir, les « perles » d’AbbVie..).
Marianne L’Hénaff, avril 2014